Nous vivons dans un monde bien étrange où l’évidence ne s’impose pas d’elle-même et a besoin de mots pour se défendre, comme si elle avait à se justifier d’exister. Le Mensonge est partout, il s’affiche et s’étale avec une tranquille arrogance et voudrait nous faire prendre pour de lumineuses étoiles les vessies de son ergotage sans fin.
Que peut-on éprouver d’autre pour Satprem que la gratitude?
Voilà un être qui nous a tout donné, toujours et sans relâche. Il nous a ouvert les portes du travail. Sans l’Aventure de la Conscience et tant d’autres de ses livres, combien d’entre nous en France auraient eu accès à l’Œuvre de Sri Aurobindo et de Mère? Ecrivain de premier ordre, il a mis son talent à Leur service.
Il a été le scribe de Mère et nous a gracieusement offert l’Agenda, sans lequel nous n’aurions jamais su dans quelle forêt Mère taillait le chemin de la prochaine espèce.
Puis il a pris la suite. Pendant vingt-cinq ans, il est resté assis dans cette chambre du bout du monde à offrir son corps comme un creuset aux forces qui le pilonnaient sans répit. «Je suis écrabouillé», nous répétait-il sans cesse. Et son corps de s’amenuiser, battu par des puissances dont nous n’avions même pas l’idée. Vingt-cinq ans de cette quotidienne torture pour l’amour des hommes et de l’Homme de demain. Un seul d’entre nous s’est-il rendu compte dans son propre corps de ce que cela pouvait signifier?
Satprem, nous ne le comprendrons vraiment que lorsque nous aurons eu le courage d’entrer nous-mêmes jusqu’au cou dans le Travail. Alors peut-être saurons-nous exactement par quoi il est passé et pourquoi il a laissé derrière lui ce résidu de corps consumé, un matin d’avril 2007.
De Sujata et de lui, nous gardons de précieuses images. Elles sont belles, poignantes et généreuses. Une scène nous revient avec une particulière intensité : Satprem est là, sur la pelouse, dans le soleil d’une belle matinée de 2004. Il nous tend ses deux mains, noueuses, sa main droite presque inerte d’avoir tant écrit, de nous avoir tant donné pour nous aider à comprendre. Il dit doucement: «Il y a cette Merveille qui est là! Pourquoi, oh, pourquoi les hommes n’en veulent-ils pas?»
Marie et Gilles
25 octobre 2007